« JUSTE ÊTRE LÀ… »

« Juste être là, dans ton assise ». Je reçois cette invitation, un soir de printemps, lors d’une supervision. J’avais à peine la trentaine. Je perçus dans mon corps la puissance de cette invitation à être, sans toutefois savoir quoi en faire. « Rien » me dit-il, « juste être disponible à ce qui est là, en toi, en lien avec le monde qui t’environne ».

Cette invitation à être m’accompagne encore, plus de trente ans après !

Cette posture, cette assise, cette disponibilité, je les explore encore et encore.

Mais surtout, ce sont elles qui m’explorent… Cet espace intérieur ouvert n’en finit pas de s’accomplir, de se révéler, de se rétrécir parfois pour ensuite se libérer d’un encombrant, jaillit de façon impromptue. Ce corps ne cesse de m’accueillir, de m’ouvrir au monde et d’explorer sans cesse la situation dans laquelle je suis, ici, là et maintenant…

La relation d’accompagnement m’offre la ressource et le contexte de renouveler, à chaque rencontre, cette manière d’être en position, en posture et en présence. Transforme- t-elle l’instant de cette rencontre avec l’accompagné(e) ? J’en suis convaincu.

Ce que j’expérimente sans cesse, c’est d’être là avec le corps que je suis, en relation avec la personne accompagnée et le monde qui nous entoure à ce moment-là. « Juste être là », les pieds à plat sur le sol, assis, debout ou en marche, en silence ou en parole, le corps en disponibilité, c’est à chaque fois une expérimentation de l’Être-corps que je suis, dans sa perception du moment, dans sa façon de se situer dans la relation.

Ce corps en posture d’accompagnement ouvre et s’ouvre sur une relation essentielle, celle d’Être à Être. Ce corps là est constitutif d’une qualité de présence. Être posé là afin d’accueillir et de recevoir l’accompagné(e) caractérise cette situation relationnelle existentielle.

« Juste être là » n’est pas la conséquence d’une fabrication. Ce « juste être là » advient lorsque le « rien à faire » s’intègre et le « être là » s’incarne. Il ne revient en aucun cas de jouer un rôle, d’interpréter une manière d’être car cela sonne irrémédiablement faux. Ce n’est pas non plus vouloir tenir coûte que coûte cette posture que l’on y parvient. L’invitation à « juste être là » est une façon d’abandonner des positions volontaires et de s’abandonner à son corps… et de se laisser choir intérieurement, en douceur. Simplement. En confiance.

Comment traduire une expérience ontologique qui reste personnelle ? Où trouver les mots adaptés ? Parle- t-elle à tout le monde ? Non, bien sûr ! C’est ainsi… Cette expérience du corps que je suis est un cheminement personnel sur mon laisser- être. Et ce laisser être est une forme subtile de … choir ! Et d’être présent en son corps, dans son corps.

Ce n’est plus le corps que j’ai qui se manifeste mais bien le corps que je suis. Un corps intégré, incorporé, présent, entier… jusqu’à l’instant où tout cela bascule car rien n’est acquis ! Tout est à renouveler. A chaque nouvelle rencontre, à chaque nouvelle séance.

Alors il s’agit de revenir à son corps, au corps que l’on est, revenir en soi, chez soi. L’expérience d’un corps accompagnant est qu’il peut se déployer comme se rétracter, s’épanouir comme se renfermer. C’est un appel incessant au renouvellement de cette expérience corporelle consciente. Se poser corporellement là, ici et maintenant, en restant ouvert à la situation est une invitation majeure pour tout Être-accompagnant.

Être posé (au dedans) et en ouverture à ce qui est là, en présence, est une posture empreinte d’adaptabilité, de réceptivité, de disponibilité, de bienveillance et de compassion.

« Juste être là » … et laisser être l’accompagnement.

Roger DAULIN

Superviseur

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